LES QUATRE GENTILSHOMMES

DANS LA PEINTURE CHINOISE

La peinture chinoise est largement fondée sur l'Art de la Nature, se distinguant entre autres par les catégories « fleurs et oiseaux » et « paysages » (山水画 shanshui). Il existe principalement deux manières de peindre, le style xieyi qui nous interesse dans cette formation, et le style gongbi (voir en bas de page)


On peut considérer la peinture chinoise comme une branche autonome de la calligraphie chinoise, dont elle partage le médium, fondé sur les quatre trésors du lettré : pinceau chinois, bâton d'encre, pierre à encre (pour moudre le bâton d'encre et le diluer dans l'eau) et papier (papiers de fibres textiles : mûrier à papier appelé par erreur « papier de riz» ou « papier de soie », lin, chanvre). Mais avant le support papier, la soie a été le support traditionnel.


Cet art est empreint d'un symbolisme très puissant, reliant l'homme à une dimension plus vaste et plus perfectible que son petit moi, d'où sa représentation souvent minuscule au sein d'un paysage car il est une partie du Tout, ni séparé ni fusionné au point d'en perdre son Unicité.


La représentation des Quatre Gentilshommes remonte à la dynastie Song (960–1279), une période où la peinture lettrée (文人画, wénrén huà) a pris une importance majeure. Ces motifs végétaux étaient déjà utilisés pour symboliser des vertus morales, mais c’est à cette époque qu’ils furent regroupés en un ensemble cohérent.


De quoi s'agit-il ?


Ce sont 4 plantes qui représentent la métaphores des vertus liées à l'homme noble (Junzi) dans le Confucianisme, pilier de la pensée chinoise.


Chacun des quatre gentilshommes symbolise des aspects clés du caractère du Junzi :

  • Fleur de prunier : se dressant au milieu de la neige de l'hiver, la fleur de prunier qui semble fragile représente pourtant le courage face à l'adversité, la force dans la douceur.

  • L'orchidée : s'épanouissant dans l'isolement et exhalant un parfum subtil, l'orchidée symbolise l'humilité et la grâce de la beauté intérieure, reflétant l'intégrité tranquille et le raffinement moral du Junzi ;

  • Bambou : le bambou, qui plie mais n'est pas brisé par les vents violents, incarne la résilience, la flexibilité, la reliance Terre-Ciel dans la verticalité et la circulation de l'energie (tige creuse)

  • Chrysanthème : le chrysanthème, qui fleurit alors que les autres fleurs se fanent, représente la capacité à conserver la tranquillité et la joie face aux saisons changeantes de la vie, en résonance avec la nature contemplative et la sagesse du Junzi.


À travers l'art, la littérature et la vie quotidienne, ces symboles sont une source d'inspiration. Les quatre gentilshommes, par leur présence discrète mais profonde, incarnent l'essence du Junzi, nous invitant à réfléchir aux vertus qui définissent la véritable noblesse de caractère.


DEUX STYLES DE PEINTURE CHINOISE


Il existe le style gongbi (peinture méticuleuse) et le style Xieyi (寫意) qui privilégie l'expressivité et la spontanéité du trait.


Le terme "Xieyi" signifie littéralement "écrire l'idée" ou "transcrire l'esprit", ce qui reflète l'objectif principal de ce style : capturer l'essence ou l'esprit d'un sujet plutôt que sa simple apparence extérieure, suggérer une atmosphère, un parfum, un ressenti, ce qui est invisible à l'oeil mais bien présent pour le cœur éveillé qui va ainsi laisser la main et le pinceau agir ? ou plutôt non-agir (WuWei (1)


Le vide tient une place primordiale dans la composition de la peinture, il ouvre la circulation des souffles yinyang, ouvre l'esprit à l'espace pour de l'invisible, de l'inconnu..


Bien sûr c'est une technique exigeante qui demande de la préparation avant l'élan créateur sur le thème abordé, ainsi qu'un état d'être calme et totalement présent.


On peut dire pour conclure que la peinture Xieyi est bien plus qu’un simple style artistique. C’est une forme d’expression spirituelle, où chaque trait témoigne d'une communion entre l'artiste et ce qui l'inspire dans l'instant.

Apprendre ce style de peinture, c’est embrasser un art où l’intention et la spontaneité priment sur la perfection, où chaque mouvement du pinceau est une manifestation d’harmonie et de beauté.

Une bonne peinture Xieyi donne souvent l'impression d'inachevé, reflet de l'infinitude du monde, de l'indicible..

Je ferai une nouvelle page bientôt pour présenter les peintres majeurs de la peinture Xieyi.

* (1)wuwei est un grand principe taoiste qui ne veut pas dire 'ne rien faire' (traduction littérale) mais agir naturellement, c'est-à-dire en accord avec l'ordre des choses, l'harmonie de l'univers. Il s'agit donc de cultiver la sagesse du Dao, un état d'être ouvert et réceptif, une présence qui s'aligne sur le flux de la vie, comme la rivière qui coule tranquillement contournant les rochers et les obstacles.